Les Crieurs


MACADAM, SAISON 1 ET 2 À ROUEN


Les cris du Macadam est un projet à destination des personnes en situation de grande précarité, fréquentant les foyers d’urgence, les accueils de jour, les distributions de nourriture. Il invite ces personnes à s’exprimer à travers une initiative culturelle, théâtrale et citoyenne. Des « boîtes à cris » sont disposées dans les structures d’hébergement ou d’accueil et des ateliers d’écriture sont menés afin que les bénévoles et bénéficiaires de ces différents lieux puissent exprimer leur colère, leurs rêves, poser des mots sur leurs sensations, témoigner d’une histoire, crier les injustices auxquelles ils doivent régulièrement faire face. Les mots sont ensuite lus et interprétés dans l’espace public à travers une forme artistique pluridisciplinaire qui réunit des artistes professionnels et des artistes amateurs rencontrés dans ces structures ou dans la rue. Ces criées sont l’occasion de faire entendre des voix singulières, parfois revendicatrices face à la détresse sociale traversée, parfois pleine d’humour, de poésie et de délicatesse. Le projet est venu prolonger le festival Macadam et Co de la Ville de Rouen au-delà de la journée qui a lieu tous les ans, et créer des rendez-vous exceptionnels tout au long de l’année. 

La « Saison 1 » des cris du Macadam (avril 2017 à septembre 2017), avait donné lieu à trois événements spectaculaires, des « Criées publiques » lors desquelles nous rendions publiques les mots déposés dans les « boîtes à cris ». Pour cette première saison, nous avions déposé plus d’une dizaine de boîtes à cris dans les différentes structures de la ville, et récolté plus de 1500 messages : coups de gueule, déclarations d’amour, art brut, poésie du quotidien, petites annonces, recettes de cuisine, etc. Nous avions réussi à fidéliser le public autour de ces évènements, et nous ressortions de cette première édition avec une envie immédiate de poursuivre le projet. Face à cette dynamique encourageante, à l’engouement du public, et à la réceptivité du projet, la Ville de Rouen, le Groupe Chiendent et le CCAS de Rouen ont décidé de poursuivre le projet « Les cris du Macadam » sur une seconde saison.

En tant que compagnie de théâtre, artistes, citoyens, cette expérience est d’une richesse humaine et poétique incroyable. Les boites à cris ont répondu à un besoin vital des gens de la rue en situation d’exclusion permanente de s’exprimer, d’être entendus, et enfin et surtout de s’inscrire activement dans la vie de la cité. Le foisonnement des boites et la richesse du contenu des mots en ont été la preuve. Le projet a suscité un réel investissement du public, et une réapropriation par eux du projet. La fréquentation des criées et la mobilisation du public a augmenté au fil des mois. Les mots déposés se sont approfondis, la qualité des contenus et le soin fourni à la rédaction des messages se sont accrus. Le personnel des structures a su s’emparer de cet outil pour partager les difficultés traversées au quotidien. La confiance, elle aussi, s’est tissée de façon étroite au fil des mois entre les artistes et le public. 


Evolutions 

Nous tenons à mentionner la fidélité du public autant aux ateliers qu’aux représentations. L’investissement des structures a aussi été remarquable. Tous les acteurs du projet s’en sont approprié le cadre et y ont trouvé leur pleine place. Cette année nous touchons un nouveau public, celui des jeunes que l’on peut croiser Rue du Gros Horloge. On remarque qu’ils se déplacent aux criées, et surtout qu’ils déposent des mots dans les boîtes, et s’exclament de contentement à la prise de connaissance du projet « alors, c’est comme au temps du Moyen-Age ? ». Dans l’utopie qu’ils se font d’un monde en dehors du capitalisme et du pouvoir d’achat, échanger des mots et se réunir autour d’un évènement culturel a toute sa place. Nous avons eu la chance de tisser des liens avec des bénéficiaires sur les deux éditions des criées, comme Olivier Bolé qui a participé à toutes les criées du Groupe Chiendent en temps que slameur. Les boîtes à cris sont devenues les espaces d’une parole sacrée, intime, un endroit à l’intérieur duquel on vient se confier, mais aussi où l’on vient se recueillir, déposer des messages pour « un ailleurs ». Une éducatrice du Chapeau Rouge nous transmet le message d’un résident par SMS à la mémoire d’un autre résident, décédé dans la nuit. La boîte devient le lieu où l’on célèbre celui qui fut et celui qui sera (bon nombre de messages écrits pour les futurs bébés encore en gestation, pour les enfants, pour ceux qui arrivent après).


Réalisation d’un recueil des mots 

Pour clore le projet, il est prévu qu’il soit édité et distribué un livret-mémoire réalisé conjointement par le Groupe Chiendent et le service communication de la Ville de Rouen, édité à 1000 exemplaires. Ce livret fait état des différents messages et mots des criées passées. Il sera la mémoire, la sauvegarde de ce qui a eu lieu et la trace immuable des mots qui furent écrits. La distribution gratuite de ce bel objet-livre est un symbole très fort dans la valorisation des paroles déposées.

Groupe Chiendent - Les crieurs